Parler de sexualité dans le couple : pourquoi la communication est si difficile (et comment l’améliorer vraiment)
- Morgane Beauvais
- 12 avr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 avr.
On dit souvent que la communication est la clé du couple. Mais quand il s’agit de parler de sexualité, cette “clé” semble parfois introuvable. Que veut-on dire exactement quand on dit “on ne communique plus” ? Est-ce qu’on parle de sexe ? De désir ? De frustration ? De peur ? De silence ?
En consultation, je vois à quel point la communication autour de la sexualité reste un sujet flou, chargé, souvent évité. Beaucoup de personnes ne savent pas comment aborder certains sujets avec leur partenaire, ou bien se sentent jugées, incomprises, ou trop en décalage. Et parfois, ce sont les mots eux-mêmes qui manquent : pas le bon moment, pas le bon langage, pas la bonne sécurité.
Dans cet article, j’ai eu envie de revenir sur ce qu’on appelle réellement “communiquer dans sa vie intime” que ce soit en couple, dans un polycule, ou avec soi-même. Pourquoi est-ce si difficile de se dire ? Comment ouvrir un dialogue qui ne blesse pas ? Qu’est-ce que cela engage sur le plan émotionnel, relationnel, psychique ?
Parce que parler de sexualité, ce n’est pas juste parler de pratiques. C’est parler de soi, de ses besoins, de ses limites, de ses zones d’ombre, de ce qui nous rend vivant·e ou pas. Et ça, ça mérite un peu de temps, d’attention… et de douceur.

Parler de sexualité dans le couple
« On ne se comprend plus. » « J’aimerais lui dire, mais je ne sais pas comment. » « Il n’y a plus de désir et je ne sais pas si on peut encore se parler de ça. »
Ces phrases, je les entends très souvent en consultation. Ce que les gens appellent « un problème de communication » dans leur vie intime recouvre en réalité mille situations différentes : du silence sur un fantasme au malaise face à un refus, d’une gêne à nommer ses désirs à l’impression d’être toujours mal compris·e.
La communication et la sexualité sont étroitement liées, mais pas toujours de manière évidente. Parler de sexualité, ce n’est pas juste se dire « on fait l’amour ce soir ? », ni simplement parler technique ou fréquence. C’est tout ce qui se joue entre les mots : ce qu’on n’ose pas dire, ce qu’on tait, ce qu’on exprime autrement. C’est aussi tout ce qui peut être mal interprété, blessant, ou trop chargé pour circuler librement.
Alors pourquoi est-ce si difficile de se parler vraiment ? Et comment faire quand on sent que ça coince ?
Quand on dit “communication”, on parle souvent d’autre chose
Le mot “communication” est devenu un mot-valise. On l’emploie pour dire qu’on ne se sent pas écouté·e, qu’on ne se sent pas compris·e, ou qu’on ne sait pas comment aborder certains sujets. Derrière ce terme, il y a souvent un malaise plus profond : une frustration, une blessure ancienne, une peur de perdre l’autre, ou de ne plus être désirable.
Dans les couples, on confond parfois “parler” et “communiquer”. On parle beaucoup… mais pas forcément de ce qui compte. Ou on pense avoir été clair·e, mais l’autre entend tout autre chose. Parce qu’on ne partage pas toujours les mêmes mots, les mêmes références, les mêmes attentes autour de la sexualité. Parce que chacun·e projette ses peurs, ses insécurités, son histoire dans les mots de l’autre.
Et puis, il y a ce qu’on ne dit pas. Les non-dits, les silences, les phrases qu’on ravale. Par peur de blesser. Par peur de se sentir ridicule. Par peur d’être rejeté·e ou jugé·e. Et petit à petit, la sexualité devient un terrain miné. On évite. On se tait. On espère que l’autre comprendra sans qu’on ait besoin de dire. Et on s’éloigne.
Pourquoi c’est si difficile de parler de sexualité ?
Parler de sexualité, ça demande une chose précieuse : de la sécurité. Sentir qu’on ne sera pas jugé·e. Sentir qu’on peut être vulnérable. Sentir qu’on a le droit de ne pas savoir. Or, beaucoup de personnes n’ont jamais eu cette sécurité-là.
On grandit avec des tabous, avec une éducation parfois absente ou culpabilisante, avec des modèles où on ne parle pas de plaisir mais de devoir. On a rarement appris à nommer ses désirs, ses limites, ses émotions. Et encore moins à les partager dans une relation.
Alors évidemment, quand il s’agit de dire “je n’ai pas envie”, “j’aimerais essayer autre chose”, ou “je me sens blessé·e quand tu fais ça”, c’est tout un système d’angoisses qui se réactive. Peur de l’abandon. Peur de ne plus plaire. Peur d’être “anormal·e”. Peur de mettre en péril la relation. Et la communication, au lieu d’être un pont, devient un risque.
Il y a aussi des différences profondes dans les manières d’exprimer les choses. Certain·es parlent facilement, d’autres ont besoin de temps ou de silence. Certain·es sont à l’aise avec les mots crus, d’autres ont besoin de douceur, d’images. Tout cela se construit, se découvre, s’ajuste. Mais encore faut-il qu’on en ait la possibilité.
Ce que ça veut dire “mieux communiquer”
Quand une personne dit “on ne communique pas”, elle veut souvent dire qu’elle ne se sent ni entendue, ni comprise, ni accueillie dans ce qu’elle vit. Et ça, ce n’est pas seulement une question de mots. C’est une question de posture, d’écoute, de cadre.
Mieux communiquer, c’est apprendre à dire ce qu’on ressent sans accuser. C’est savoir nommer un besoin, une peur, une limite, sans reproche ni exigence. C’est être capable d’écouter l’autre même quand ce qu’il ou elle dit nous déstabilise. C’est co-construire une langue à deux — ou à plusieurs — qui nous permette d’être un peu plus nous-même.
C’est aussi, très concrètement, accepter que ce ne soit pas toujours fluide. Qu’il y ait des tensions, des malentendus, des émotions vives. Mais que cela fait partie du processus. On ne “réussit” pas sa communication du premier coup. On l’apprend, ensemble, en marchant.
Ouvrir le dialogue dans la relation intime
Il n’y a pas de bon moment magique pour parler sexualité. Mais il y a des moments plus favorables : des espaces calmes, hors du lit, où l’on peut poser des mots sans pression. Des moments où l’on peut dire “j’aimerais qu’on parle de nous”, “j’ai envie de te dire quelque chose d’important pour moi”, “est-ce que tu serais OK qu’on parle de ce qu’on vit en ce moment dans notre sexualité ?”
Parler de sexualité dans le couple... Ce n’est pas toujours simple ! Parfois, on se sent ridicule. Parfois, on ne sait pas par où commencer. Parfois, on a peur de ce que l’autre va dire. Mais ouvrir cet espace-là, même maladroitement, c’est déjà immense. C’est poser les bases d’un lien plus vivant.
Et dans cette parole, il ne s’agit pas forcément de parler “du sexe”. Il s’agit de parler de ce qu’on ressent. Ce qui nous fait du bien. Ce qui nous manque. Ce qu’on aimerait essayer. Ce qui nous fait peur. Ce qui nous traverse. Il s’agit de se dire, pas seulement d’informer.
Et quand on est plusieurs ? Parler de sexualité dans les amours plurielles
Dans les relations polyamoureuses, la question de la communication est encore plus complexe et encore plus cruciale.
Il ne s’agit plus seulement de se dire à deux, mais parfois à trois, quatre, ou plus. Il y a plusieurs désirs, plusieurs styles de relation, plusieurs langages du corps et du cœur. Il faut apprendre à poser des cadres, à nommer des besoins, à dire ses limites. Il faut apprendre à écouter sans comparer, à rassurer sans se perdre, à entendre l’insécurité de l’autre sans la nier.
Dans ces dynamiques, la parole devient un véritable outil de soin relationnel. Elle permet d’éviter les non-dits qui rongent, de naviguer dans la complexité des émotions, de construire des accords explicites plutôt que des attentes implicites. C’est un apprentissage qui demande du temps, de la patience, de la maturité émotionnelle. Mais qui peut être profondément transformateur.
Et si on ne trouve pas les mots ?
Certaines personnes n’arrivent pas à parler. Les mots ne viennent pas. Ou bien ils viennent trop fort, trop vite, dans le reproche ou la douleur. Et c’est OK. Il n’y a pas qu’une seule manière de communiquer.
Parfois, on peut écrire. Parfois, on peut dessiner, faire des listes, envoyer un message. Parfois, on peut passer par le corps, les gestes, les silences partagés. Parfois, il faut juste être là, côte à côte, et dire “je ne sais pas comment dire, mais je veux qu’on y arrive”.
L’important, ce n’est pas d’avoir les bons mots. C’est d’avoir l’intention de se rencontrer. De créer un espace où la parole peut circuler, même bancale, même fragile.
Quand la parole blesse, ou ne suffit plus
Parler, ce n’est pas toujours réparer. Parfois, les mots sont maladroits. Parfois, ils arrivent trop tard. Parfois, ils sont utilisés comme des armes. Il y a une forme de violence qui peut se glisser dans la parole intime : celle qui invalide, qui nie, qui critique sans jamais écouter. Parler pour dominer, pour avoir raison, pour garder le pouvoir.
C’est pour cela que la communication bienveillante, ce n’est pas juste une technique. C’est une éthique. Un choix relationnel. Celui de prendre soin. D’écouter vraiment. De parler à hauteur d’humain·e. De laisser à l’autre le droit d’être vulnérable. Et de s’autoriser à l’être aussi.
Et parfois, la parole ne suffit plus. Le conflit tourne en boucle. Les émotions sont trop fortes. On a besoin d’un tiers. D’un espace sécurisé pour dénouer. C’est là que le travail thérapeutique peut être précieux. Pas pour “sauver” un couple, mais pour permettre aux personnes de se réentendre. De se réajuster. De retrouver un lien à soi et à l’autre.
Ce que je propose dans l’accompagnement
En tant que sexologue, je propose un espace pour remettre du mouvement dans la parole intime. Pour retrouver la liberté de dire, de sentir, de se positionner. Que ce soit en couple, en polycule, ou seul·e, je vous accompagne pour mettre des mots sur ce qui bloque, sur ce qui manque, sur ce qui ne circule plus.
On travaille ensemble à mieux comprendre vos dynamiques relationnelles, vos styles d’attachement, vos mécanismes de protection, seul.e ou en couple. On explore ce qui empêche la parole d’être vivante : les peurs, les blessures, les automatismes. Et on cherche, ensemble, une manière plus douce, plus juste, plus authentique de vous relier.
Parce qu’on mérite tous et toutes d’avoir un espace où l’on peut dire ce qui est là. Même si c’est confus. Même si c’est fragile. Même si c’est difficile.
Et surtout, parce qu’une sexualité épanouie, ce n’est pas seulement une question de technique. C’est une affaire de lien, d’écoute, et de vérité partagée.